Véronique Vassiliou  : N.O. comment
[Texte inédit 04/2001]





Patio
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Hôte
C.V.
A propos... (textes)

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Réserve

Il y aurait cette histoire de noirs. Bien placer ses noirs. Des noirs bien placés. Tout serait affaire de noirs. D'absence, de positions, de quantité. Trop de noirs, comme trop d'absences. Trop de noirs comme trop dense.


Au début de l'histoire, il y aurait eu Kiga l'indienne. Et ses mauvaises manières, cette sauvage qui adore porter de jolies robes rouges pleines de fleurs mauves et les exhiber et danser pieds nus sur des mélodies mélos de Luz Casal, ou chausser des escarpins bleus Charles Jourdan, ou noirs Kenzo, ou des nus-pieds verts Free Lance. Une sauvage perdue au pays des sauvages, qui se colle de temps à autre devant la télé pour n'y regarder que des feuilletons du type polars moyens.
Une sauvage drôlement sauvage qui adore rire avec les autres et réclamer de l'utopie. Une sauvage au comportement sauvagement contradictoire, de port de robes hors prix en collection de casseroles, de cactus, de confitures ou de chats.

Au début, il y aurait eu Kiga la sauvage qui aurait fait la révolution dans l'académie du Professeur A.H. Mais pas seulement. Et la parole de Kiga l'indienne sauvage, incarnation de la révolte en Peinture. Mais pas seulement. Kiga Peinture. Qui aime plus que tout piétiner. Et refuser. Son mot d'ordre : N.O. Repris en cœur par sa bande, le clan des sauvages. N.O., N.O., N.O., N.O.,N.O., N.O....!
Et puis 7 manuscrits manifestes, perdus puis retrouvés :
1. "Je l'ai vue en rêve avant la rencontre. ELLE se tenait droite devant moi.

C'était dans un rêve d'une clarté étonnante. ELLE dansait pieds nus dans le sable. C'était ELLE, sauvage et libre..."



2. "Il a trébuché en voulant l'attraper, la sauvage. Il l'a poursuivie par tous les temps : grand vent (mistral), pluie fine, soleil écrasant, pluie torrentielle (en automne et au printemps)".
3. "C'était une sauvage. ELLE a tué dans la révolte le professeur, le mercredi 2 septembre 1975, aux environs de 10h30.

Il y a donc eu meurtre. Qui est mort ?"



4. "Mouvements circulaires et répétitifs. Il semble danser et chanter. Comme un indien, comme un sauvage."
5."Je leur déclare la guerre à tous. Au nom de la peinture. Et, seuls, compteront désormais les SAUVAGES."

6."Les sauvages sont au plus près des choses."
7."D'abord je dispose quelques objets. Oui en principe, sur la table. Dans ma pièce blanchie par le soleil de l'Est. Ca n'est pas savant. Un pot de verre, un citron, quelques flacons d'encre de chine. Des objets. Les contours, les volumes. Et les couleurs, le bleu, quelques rouges, les ombres. Je cherche. En noir. Ca me suffit. Mes objets bougent avec la lumière. Et je regarde, je travaille sans arrêt. Dans la répétition. ELLE et moi, nous sommes des sauvages."


P. est trouble. Avec une longue histoire et du temps. Du temps derrière. Du temps devant. Il s'agit de prendre le temps. Il aurait été question d'enquête, de recherche, de quête impossible et permanente. Des histoires de p(einture), de p(oésie). Avec majuscules, en minuscules. De cactus et d'usines gardannaises et d'images dans les images et de détournement et de disparition et d'isolement et de contre-pied, de contre-pouvoir, à contre-courant...

Ca serait une histoire de sauvages, de sauvages collecteurs.

Car les sauvages pratiquent la collection. Les sauvages sont pratiques.

Ils passent leur temps à mettre en pratique. Ils font, par exemple, des collections de tissus, de couture, de cactus, de roses, de fruits en céramique, de livres avec des images, d'images, de mots.

Pour faire une collection les sauvages collectent.

Certains sauvages deviennent collecteurs. 

Un sauvage-collecteur est aux aguets.

Son but est de compléter sa collection. 

Une collection est toujours incomplète.

Plus elle est complète, plus elle a de sens.

Plus elle a de sens, plus elle est importante.

La collection sauvage est composée d'éléments sans importance.

Un chapeau par exemple.

C'est le collecteur qui donne de l'importance à l'élément collecté.

Un crâne par exemple. 

La collecte entraîne la répétition.

1 crâne + 1 crâne + 1 crâne + 1 crâne +

1 crâne + 1 crâne + 1 crâne + 1 crâne +

1 crâne + 1 crâne + 1 crâne + 1 crâne 

= trois rangées de 4 crânes sont différentes d'un crâne sur pied.


Un crâne vu d'en haut n'est pas un crâne vu de côté. Un crâne couché prend un autre sens. Un crâne peint sous tous ses angles doit dissimuler un culte. Mais quel culte? Celui de la collection? Celui de l'accumulation? Celui de la déclinaison? Celui du détournement?

Un crâne plus un crâne, peint 12 fois. Un crâne peint douze fois fait rythme alexandrin. Il est forme. Interrompu par le blanc et par des noirs. Il est autre que ce qu'il est.

crânecrânecrâne crânecrânecrâ necrânecrâ  necrânec rânecr â necrâne...

Crâne n'est plus crâne.



Angèle Basile-Royal - mnémographe partie au pays des sauvages observer les sauvages puis vraisemblablement morte parmi eux - rapporte que les sauvages bricolent. Qu'ils fabriquent, conçoivent, inventent avec ce qu'ils trouvent. Épingles à linge, plantes vertes, carte postales, appareils photo, verres empilés, fruits frais, fruits desséchés, citrons, paquets de cigarettes froissés.

Car les sauvages aiment les paysages.

Et la nature sauvage est cultivée. 

Ils aiment voir et s'efforcer de voir.

Ils aiment les leçons de choses.

Ils aiment scruter. Ou fouiller du regard.

Un paysage, c'est dehors.

Une nature morte, c'est plutôt dedans.

La nature est commune au paysage et à la nature morte.

La nature cadrée.

Du paysage on peut faire aussi une nature morte.

Dans les natures mortes, les objets ont pu être vivants.

Les seuils séparent le paysage et la nature morte.

Les sauvages aiment les seuils. Pour ce qu'ils sont des limites.

Le seuil, c'est une limite. Parler du seuil, c'est limite. Ce qui est limite, c'est sauvage.

P est trouble. Comme de retour de guerre. Ayant disposé ses armes nettoyées. Démontées. Canon, culasse, gâchette. Une arme décomposée. En morceaux. Comme si la guerre s'était retournée comme un gant. Sur elle-même. La guerre contre ce qui lui est propre. La guerre contre son ordinaire. Une guerre pas au sens Net. Une guerre pour peinture. P. a-t-il dégainé? Ou va-t-il dégainer? Qui serait en danger? P?P?P? Ou P?

Peinture peinture. Une peinture très peinture. Une peinture des limites. Sans limite. Limite, à la limite. Une peinture P.A. Une peinture Philippe Agostini.





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